L'actualité réserve parfois des surprises - mais s'agit-il de surprises? vraiment? En effet, quand on vit dans le monde tel qu'il est actuellement, on se demande s'il s'agit de surprises. De véritables surprises.
Mon Dieu, que ça fait vieux con de parler ainsi : pourtant, le monde me plaît plutôt tel qu'il est, en dehors de mes jours de mélancolie.
Je viens de lire ce billet, et au passage, je renvoie tout de suite à ce post des Toujours Ouvrables, que j'ai trouvé parfaitement pertinent et conforme à mon expérience (avec humour, of course).
Les faits :
Un petit garçon de 5 ans a poignardé sa soeur, qui refusait de lui prêter son jeu video, pendant que la mère dormait ; le tout s'est passé dans une cité minière ; la petite fille a beaucoup saigné, mais selon l'AFP ses jours ne sont pas en danger.
Ce que dit Fleur :
Elle insiste sur le fait qu'on s'en fout que la famille soit monoparentale et de l'est de la France ; ensuite elle évoque les frustrations induites par la société de consommation ; et dévie sur les messieurs de son entourage, toujours heureux de tripoter leurs portables (je vois très bien ce qu'elle veut dire, sauf qu'ici, contrairement à avant, ils sont heureux de leurs portables ET ils en ont l'usage - mais je ne m'étendrai pas là dessus, trop anecdotique).
En vrac :
Que la famille soit monoparentale et de l'est ne m'est pas indifférent. Je ne connais pas du tout ce milieu, mais je pense que la vie doit y être plus difficile que dans la banlieue ouest à Saint Germain en Laye. Oui, même pour les pauvres, je crois que Saint Germain en Laye est plus joli. Plus sérieusement, une femme seule avec deux enfants, je n'ai pas besoin de faire appel à mon imagination pour imaginer comme c'est fatigant, et la mère a commis le crime atroce de se reposer, laissant ses enfants seuls au salon. Ce qui me frappe, c'est le côté Zola des faits. On est au début du XXième siècle, on est l'un des pays les plus riches du monde, des tas de gens se battent et se noient sur de frêles embarcations pour venir rejoindre l'Eldorado qu'est (au regard de celui qui vient d'ailleurs) la France, et une maman vivant en France, épuisée, n'a pas d'autres moyens que de laisser ses enfants seuls pour se reposer.
D'accord, mes propos ne vont rien avoir de réalistes, tant pis. Ne pourrait-on rêver un peu? Rêvons que la collectivité redistribue tellement bien l'argent que les centres d'accueil de jour pour tous les enfants existent. Pour tout le temps, quand les enfants le veulent, quand les parents le veulent. Comme dans les livres de science fiction. Bibliothèque, ludothèque, centre de jeu, maison des jeunes sont là. Elles sont ouvertes, toute la journée. Les enfants n'y vont pas sur critères de ressources ou parce que Papa et Maman travaillant, naaaaaan, ils y vont parce que c'est sympa. On y propose des activités. Ce sont des lieux de vie pour enfants.
La société française se sentirait collectivement responsable de TOUS les enfants. Ceux des riches, ceux des moyens, ceux des pauvres. On ne se dirait pas que l'on va occuper les gosses de pauvres parce que leurs parents ne peuvent pas, salauds de pauvres, mais tous les enfants, parce que c'est bien et c'est sympa. C'est sympa de les instruire ; et bénéfique pour le pays. C'est sympa de les distraire ; et bénéfique pour le pays.
Donc quand une maman se sentirait fatiguée ou qu'elle aurait envie d'être seule, ça ne voudrait pas dire qu'elle est nulle/déprimée/mauvaise mère/fatiguée, ça voudrait dire que c'est normal, parce qu'avoir des enfants c'est fatigant, stressant et décourageant par moments.
Et quand elle le voudrait elle amènerait ses enfants là bas, elle pourrait pendant ce temps là dormir, faire ses courses ou lire. Ou aller boire un café avec des copines.
Et les enfants seraient pas mal dans le centre, parce qu'on y proposerait des activités sympa.
Quand j'étais jeune (et je n'ai pas vraiment passé ma vie dans une ville communiste, je parle de la banlieue ouest en connaissance de cause), il y avait une maison des jeunes et des tas d'activités sympa, dont l'un, fabrication de marionnettes en papiers machés, qui me faisait rêver, mais pas question d'y aller, ma mère faisant partie des mères formidables qui assument leurs gosses 24/24, même si on se faisait chier 24/24, on le faisait en famille. Maintenant, plus rien. Repli sur soi individualiste, je dirai. Donc, comment occuper ses enfants quand on fait autre chose : la télé, les DVD, ou les jeux vidéo.
Je suis mélancoliquement consciente du caractère utopiste de ce que je viens d'écrire. Pourtant, tout aussi mélancoliquement, je voudrais ajouter que si tous les gars du monde et tous les filles du monde voulaient, on pourrait... Mais on sait maintenant que les gars et les filles du monde ne veulent pas, en fait. Même moi je le sais.
Est-ce mon quart d'heure communiste? J'abomine le communisme, presque autant que l'exilé russe moyen du temps de Khroutchev (peut-être du au fait que j'ai fréquenté des exilés russes, très mal élevés d'ailleurs). Non, mais communautaire. J'ai rêvé de ça quand j'étais jeune, je m'en suis souvenue, pourquoi je l'ignore, à la lumière de cet affreux petit fait divers. Un monde ouvert, un monde où l'on peut circuler, se rendre à la bibliothèque et dans un centre de jeu par pure envie. Un monde bienveillant envers les enfants.
Je connais en France des jeunes mamans qui rament pour trouver une place à la crèche ou en garderie pour leurs enfants ; encore le concept existe-il !! Ailleurs, les garderies sont des appartements transformés, un peu ce que préconisait Sarko dans je ne sais quel récent discours, à propos du congé parental : ici, on dirait que des dames aménagent leur salon en pseudo garderie pour pouvoir accueillir une petite dizaine d'enfants ; mais ce ne sont pas des pro. ça ne ressemble pas du tout à ce que j'imagine.
Mais si ces centres d'accueil de jour (coûteux assurément) existaient ils permettraient de faire une sorte de soupape de sécurité pour toutes sortes de parents qui sont dépassés par la maternité ou la paternité et que l'absence de cohésion familiale dans notre société moderne laisent tous seuls, dans un face à face désemparé avec leurs enfants. Les enfants, en aller retour entre l'école, ces centres et la famille échapperaient au poids de certains parents, se socialiseraient, verraient autre chose. Ah, il faudrait pour cela une politique drôlement centrée sur l'autre, l'enfant, la prévention et la culture...
Je n'ignore pas que c'est irréaliste. J'ai justement ouvert ce blog pour pouvoir le déplorer dans mon coin, sans que des personnes intelligentes me regardent, un sourire narquois leur tordant le visage, en me disant : mais voyons... Tu y crois, toi?
Naturellement, je n'y crois pas.
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