vendredi 2 janvier 2009

Vécu

C'est difficile à expliquer : sans en dire trop, je voudrais aussi comprendre comment certaines choses sont insurmontables.

Moi, dont la vie est douce, je suis arrivée un jour dans un lieu où j'ai voulu profiter du temps que j'avais et de ma disponibilité pour aider.

Je me suis fait lyncher. ça m'a découragé. Depuis j'ai réfléchi. mais je veux approfondir.

Je suis arrivée en bobo : moi, je suis gentille, je fais des trucs pour aider les gens. Or, les gens ont de la rancoeur. Une rancoeur pas forcément justifiée, surtout envers moi, qui, venant d'arriver, était innocente. Mais on m'a assimilé à d'autres (Française riche, surtout que j'étais française... et plus riche que beaucoup). Du coup, j'ai récupéré les haines que d'autres s'étaient attiré.

J'ai très mal fait face : comme moi, j'étais sincère, je ne comprenais pas ces réactions. Depuis, j'ai compris que si on veut faire quelque chose pour la communauté, il faut le faire pour des raisons diverses, mais pas pour la reconnaissance.
Car au fond, je m'attendais à de la reconnaissance.
Je l'ai compris après.
Je m'y attendais, et ce sentiment n'était pas pur. Quand je l'ai compris, je m'en suis voulu. Spirituellement, je donnais pour recevoir. Je m'en suis pris plein la gueule. J'ai compris ce que voulait dire donner pour donner, ou donner pour l'amour de Dieu. J'ai compris, mais j'ai compris aussi que c'était très dur. J'ai arrêté.
mais je ne pense qu'à recommencer : car j'ai compris, justement.
Vous qui me lisez peut-être, comprenez-vous?

Cependant, mes sentiments n'étaient pas mauvais : l'enfer est pavé de bonnes intentions.


De façon plus large, je m'interroge donc sur le regard que l'on porte vers l'autre, par ex, le regard que l'on porte sur les pays pauvres. Ah, s'ils faisaient tout ce qu'on leur dit : ils arrêteraient d'être pauvres. C'est ce qui ressort du discours de beaucoup de gens, même si ma formulation est limitative. "Ils" ne font pas d'effort. "Ils" ne savent pas travailler. Etc.

C'est vrai, "ils" ne travaillent pas comme nous, pas autant, plus doucement. "Ils" aimeraient juste garder leur mode de vie traditionnel, leur indolence ancestrale, s'acheter les gadgets à la mode sympa, et vivre comme avant. Mais le monde moderne te bouffe. Il nous a déjà bouffé, nous, il les bouffera, eux. Nous, ça a pris bien deux à six siècles. Eux, ça durera peut-être moins, mais ça sera long aussi. En attendant ils s'adaptent, mais doucement, et dans la douleur.

Si l'on veut considérer que notre monde s'écroulent, ils seront peut-être plus apte que nous à vivre dans le nouvel univers mental qui s'installera quand la société occidentale aura perdu sa prééminence et que le capitalisme et l'économie de marché auront été remplacé - on se demande par quoi, mais par autre chose.

En attendant, en même temps qu'"ils" ne travaillent pas comme nous, ils ont un autre point de vue sur tout. Un point de vue qui nous semble fou, mais ont-ils tort?

Une femme de ménage srilankaise me disait qu'elle ne voulait pas travailler plus de huit heures par jour. Vu la pauvreté de sa famille, j'ai trouvé ça fou, d'abord. En fait, elle préférait avoir moins, mais travailler moins. Moi, étudiante, j'ai travaillé à l'heure et je préférais toujours avoir plus, mais travailler plus. Ma srilankaise voulait du temps. Et maintenant, quand j'y repense, je me dis qu'elle avait raison. Alors que je ne l'ai tout d'abord pas pensé, dans le mythe de "on travaille pour s'en sortir", et après on profite.

Comprenez-vous?
(Ceux qui veulent me dire : aaaaaaah, mais nous on sait déjà, et toi il t'a fallu tout ce temps, silence !!! je ne prétend pas être parfaite, et puis le travail quand on le fait librement, apporte beaucoup - quand on le fait librement, ce qui a toujours été mon cas jusqu'à maintenant, grâce au Ciel).

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très bonne lucidité sur le fait que, bien souvent, on donne pour recevoir.

Je ne sais pas si c'est bien ou mal. Ce que je sais, c'est que la gratuité des actes (notamment associatifs) est toujours revendiquée mais jamais pratiquée car au fond, on reçoit toujours quelque-chose en retour de ce qu'on donne.

Parfois, on se dit qu'on a rien reçu et c'est bien après, en se retournant, qu'on se rend compte de ce qu'on nous a donné.

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